Vlado Kristl est né à Zagreb le 24 janvier 1923. Comme c’était la coutume pour les familles bourgeoises de l’Empire austro-hongrois de l’époque, il a été envoyé très tôt dans un internat à Vienne. Il a ensuite fréquenté des écoles à Sušak, Senj (deux petites villes de la côte adriatique) et enfin le lycée de Zagreb.
En 1941, il commence à étudier à l’Académie des Beaux-Arts de Zagreb. En 1942, il rejoint les Partisans jusqu’en 1945. Tout ce qu’il vit durant cette époque le marquera toute sa vie.
Vous trouverez ci-dessous une sélection de ses caricatures et photos réalisées pour les partisans de cette période .
Contexte:
Les Partisans, également connus sous le nom d’Armée de libération nationale et détachements de Partisans de Yougoslavie, étaient une alliance rassemblée par les communistes de divers groupes et partis qui ont combattu de 1941 à 1945 contre les pays d’occupation, à savoir l’Allemagne nazi, l’Italie fasciste et leurs collaborateurs oustachis. Ils vivaient dans les montagnes et les forêts, dormaient dans des tentes et agissaient comme petites unités indépendantes. Kristl s’engageait rapidement en tant qu’artiste, en créant des affiches et des dessins. De cette période existent des dessins et caricatures publiés d’abord par l’Agitprop à Otošac, plus tard dans le quotidien Vjesnik à Turjansko. Ces années dans la Résistance en tant que Partisan constitueront un volet fondamental dans la vie de Kristl qui l’influencera profondément, sa façon de penser, ses futurs combats et toute sa conception artistique.
1945 Kristl revient de la guerre. Il termine ses études à l’Académie et travaille à partir de 1950 comme artiste peintre et poète. En 1951, il participe à la fondation du groupe EXAT (Picelj, Srnec, Richter, Kristl). Au printemps 1953, ce collectif expose des peintures abstraites à Zagreb dans le cadre de l’exposition Groupe EXAT-51. EXAT est la première et féroce rébellion artistique contre le dogme du réalisme socialiste et le dictat de l’art politiquement correct
Le contexte :
On demande souvent à Kristl ce qu’un individualiste « peu enclin à la peinture constructive » faisait à EXAT. « Je n’y étais pas parce que les autres disaient que c’était nouveau, mais parce que c’était nouveau pour moi, ma nouveauté à moi. Telle une libération ! C’était ça le plus important. Plus tard, c’est devenu aussi un dogme pour moi, et le besoin de m’en libérer s’est fait ressentir. »*
Au cours de ces années, il a peint une série de tableaux abstraits, dont certains font désormais partie de la collection du musée d’art contemporain de Zagreb (Muzeju suvremene umjetnosti MSU). En 1953, Il participe aux expositions des quatre peintres de l’EXAT à Zagreb et Belgrade, et en 1954 au Salon 54 à Rijeka.
*Marina Viculin : » La peinture très personnelle de Vlado Kristl « , texte du catalogue de l’exposition » Vlado Kristl, Rijeka 2010 « , p. 27.
Kristl s’installe en France en 1953. Il navigue entre Paris et la Provence (dans la Drôme), excelle en tant que peintre mais aussi comme berger. Puis il se rend à Bruxelles, où il trouve un emploi de dessinateur de papillons (1954). Fin 1954, il entreprend son grand voyage en Amérique du Sud. Cela semble une étape audacieuse et lourde à franchir vu le contexte de la Yougoslavie communiste d’après-guerre ; mais la vérité est que Kristl souhaite retrouver son père qui avait quitté Zagreb ainsi que sa famille dans les années 1920 pour émigrer au Chili. Les retrouvailles ont lieu, mais sont de courte durée. De 1954 à 1959, Kristl voyage à travers le Chili, travaille comme chauffeur-routier, vagabond et acteur, mais surtout comme peintre. Il parcourt d’autres pays tels que le Brésil, le Mexique, l’Argentine. Durant quelque temps, il vit aussi avec une communauté amérindienne dans les Andes. En juin 1958, il a eu sa première exposition individuelle dans une galerie et en 1959 une exposition collective à l’Institut culturel yougoslave à Santiago du Chili.
« Je suis parti à la recherche d’un nouvel univers. On essaye d’avancer, on y va à fond, mais on finit par retomber dans l’ancien monde. Il n’y a pas de chemin qui te mènera en toute sécurité vers le nouveau monde. Il faut l’inventer toi-même. Tu peux aller plus loin, mais tu dois acheter le billet pour le bateau ». – Mais pourquoi pensais-tu que le monde là-bas était différent ? « Je ne pensais pas que le monde fonctionnerait différemment, mais que je fonctionnerais, moi, différemment. J’ai compris alors que c’était à moi de trancher. Subitement, je ne ressentais plus le besoin d’errer à travers le monde. Au fond, je ne voulais pas rentrer au pays. Ma mère était la seule raison. Elle avait écrit qu’elle était souffrante ».
*Kristl en conversation avec Marina Viculin, extrait de : » Die sehr persönliche Malerei des Vlado Kristl « , texte du catalogue de l’exposition » Vlado Kristl, Rijeka 2010 « , p. 28.
» Amanda « , Santiago de Chile, 1955
« Vlado parle de son séjour au Chili. Dans les années 50, il a vécu comme peintre de rue à Valparaiso. Un homme riche l’a fait venir parce qu’il voulait un portrait de sa femme. Cependant, le mécène morbidement jaloux a posé comme condition que le peintre ne verrait son modèle qu’une heure par jour et ne pénètrerait jamais le tapis sur lequel elle était assise. Si jamais il ne respectait pas ces règles, il le paierait de sa vie. Vlado est resté silencieux et s’exécutait. Elle était silencieuse et pleurait. Ses larmes se précipitèrent sur lui comme un raz-de-marée et il savait que c’était son grand amour qu’il était en train de capturer là sur la toile. Une fois le tableau terminé, le mécène y jeta un coup d’œil fugace, se rendit compte de manière succincte qu’il ne reconnaissait pas sa femme, qu’elle ne fut pas ornée de ses bijoux, et fit jeter le peintre dehors. Mais la nuit suivante, Vlado se faufila à l’hacienda, vola le tableau et le garda partout où il allait… (Hambourg, avril 1986, Atelier Vlado).
Au printemps 2011, j’ai enfin vu le tableau. Elle s’appelle « Amanda » et a accompagné non pas Vlado lui-même, mais sa femme Jelena Kristl, tout au long de sa vie. Jelena m’a également raconté qu’il existait plusieurs versions de l’histoire du grand amour interdit – une plus audacieuse, plus triste et plus belle que l’autre.
*Dieter Reifarth : SOUVENIRS » Erinnerungen » in C. Schulte, F. Bruckner, S. Schmitt, K. Wojotowicz (éd.) : » Maske und Kothurn, Vlado Kristl, La lune est française « Der Monde ist ein Franzose « , Vienne 2011, p. 268.
En 1959, Kristl retourne à Zagreb. L’accueil est rude : Dès son embarquement dans le port de Rijeka il est arrêté immédiatement en raison de papiers manquants. Heureusement son frère intervient et obtient la libération de Kristl.
Kristl trouve rapidement un emploi à Zagreb-Film. Il renoue également en un rien de temps les liens avec la scène artistique. Suivront trois années très fructueuses sur le plan artistique. En décembre 1959, Kristl expose individuellement dans le Salon de l’ULUH avec le cycle 12 Positives et Négatives. Avec une préface du poète croate Jure Kaštelan, Kristl publie son propre livre de poésie « Neznatna lirika » (Poésie insignifiante) en auto-édition. Il réalise ses premiers films d’animation en tant que créateur et metteur en scène, dont « Peau de chagrin » (d’après Balzac, 1960) et « Don Kihot » (librement adapté de Cervantes, 1960).
Contexte
Le groupe Exat 51, dont Kristl était cofondateur avant son voyage au Chili, a fait partie d’un mouvement artistique international d’avant-garde dans les années 1960 et 1970, appelé aussi les « Nouvelles Tendances ».
Dans ce mouvement se réunissaient des artistes d’Europe de l’Ouest et de l’Est, ainsi que d’Amérique du Sud, issus de la périphérie de l’Op Art et de l’Art cinétique. Des membres d’Exat 51 de Yougoslavie en font partie, mais aussi Grav de France, ZERO et Effekt d’Allemagne, ainsi que Gruppo N et Gruppo T d’Italie.
Les Nouvelles Tendances sont apparues pour la première fois en 1961 avec l’exposition Nove Tendencije à Zagreb. En 1964 a lieu une exposition au Musée des Arts Décoratifs à Paris qui rencontrait un vif succès et montrait le caractère international de ce mouvement.
Les expositions se poursuivent jusqu’au début des années 1970. Les nouvelles tendances se caractérisent par un examen visuel de la surface, de la structure et des objets eux-mêmes, et par l’inclusion de formes d’art qui n’étaient pas encore reconnues à l’époque, comme l’art informatique (Zagreb 1968) et l’art conceptuel (Zagreb 1973).
Positives et négatives : « Il s’agit de 12 peintures, réparties en deux groupes « positives-négatives » qui étaient noires ou blanches avec un carré gravé dessus. Vlado Kristl intervenait déjà à l’époque sur un fond de peinture blanc ou noir vierge avec un carré. (…) Certains commentateurs ont vu une similitude avec Malevich, mais ce dernier était plus spirituel, voire religieux, alors que Kristl était plus pragmatique. À la fin des années cinquante, il était très en avance sur son temps. Malheureusement, je ne peux pas dire si Kristl en était conscient ou pas »*.
*Radovan Grahovac : « Vlado Kristl – un collage biographique » ( » Vlado Kristl – eine biographische Kollage « ), entretien avec Jerko Denegri, Vienne 2010, dans l’ouvrage de C. Schulte, F. Bruckner, S. Schmitt, K. Wojotowicz (éd.) : » Maske und Kothurn, Vlado Kristl, La lune est Française », Vienne 2011, p. 34
L’écrivain Ivan Kušan, alors dramaturge à Zagreb, se souvient des réactions à la première projection de Don Kihot: « Nous étions tous bouleversés. On ne voyait pas l’Andalousie, juste une figure géométrique qui se déplaçait en dehors de l’espace réel. C’était bien au-delà de l’idée que l’on se faisait de Don Quichotte. Les responsables étaient horrifiés et voulaient ajouter un texte pour rendre le film compréhensible. Kristl s’est levé, a saisi l’encrier posé sur la table et l’a jeté sur les responsables de l’entreprise qui étaient assis là, en criant : ‘Pour vous, sales gueules du premier rang’. C’était la fin de son travail chez Zagreb Film. « ** Don Kihot est récompensé peu après par le Grand Prix d’Oberhausen (1962).
**Ana Marija Habjan / Darko Volarić : » Kristl « , film documentaire pour la radio-télévision croate HRT 2004
Le premier film en prises de vues réelles de Kristl, « Le Général et le brave homme », est réalisé en 1962 pour la société cinématographique Viba-film à Ljubljana. Kristl y joue lui-même le rôle principal. Mais le film est interprété comme une parodie et une provocation à l’égard du président Tito, interdit par le parti communiste et détruit. Seule une copie est secrètement archivée. Kristl quitte la Yougoslavie en 1963. Il arrive à Munich via Rome et décide d’y rester.
Le contexte :
« Le Général » ne passe nulle part en Yougoslavie. Malgré la diversité de son champ d’activité, Kristl ne trouve soudain plus du tout de missions. Pour lui, le film traite du pouvoir en général. Il écrit même une lettre à Tito où il tente de s’expliquer et d’expliquer son film. au même moment, il reçoit des invitations à des festivals de cinéma en Italie et en Allemagne où on lui décerne même des prix, qui lui ouvrent de nouvelles possibilités. Il quitte la Yougoslavie et se rend d’abord à Rome puis à Munich.
Dans ce contexte, on peut mentionner une conversation téléphonique entre Dieter Raifarth et Vlado Kristl en 1987* : « Nous discutons sur la politique en Yougoslavie. La triade de haine contre le titisme finit chez Vlado toujours par la conclusion qu’au fond, le fascisme et le communisme sont pareils. Il pense même que ça finira par une guerre. Je dis qu’il exagère. Vlado : ‘Si tu fais un trou dans le bateau d’un côté, l’autre côté coulera aussi’. «
*DieterReifarth : « Souvenirs » ( » Erinnerungen « ) in C. Schulte, F. Bruckner, S. Schmitt, K. Wojotowicz (éd.) : » Maske und Kothurn, Vlado Kristl, Der Monde ist ein Franzose « , Vienne 2011, p. 269.
Son exil à Munich marque une pause de plusieurs années au niveau de la peinture. Kristl est concentré sur la réalisation de ses films et devient, malgré lui, une sorte de figure culte, plutôt dans le sens “d’enfant terrible” du Nouveau Cinéma Allemand. Il tourne les films suivants : Pauvres gens (Arme Leute), Madeleine, Madeleine, La digue (Der Damm), les films qui durent quelques secondes (Sekundenfilme), FilmouPouvoir (FilmoderMacht). Parallèlement, il publie durant ces années en auto-édition plusieurs recueils de poésie, dotés de nombreux dessins.
Avec ses films, Kristl fait beaucoup parler de lui, d’un côté on l’admire, de l’autre côté, son art provoque, ce qui ne plaît pas à tout le monde. Mais Kristl n’a pas peur des conflits.
Context:
Qu’il s’agisse de films réels ou dessinés, les films expérimentaux de Kristl se composent de séquences isolées, souvent sans aucun rapport les unes avec les autres, qui entrent en relation seulement au moment du montage. Par ailleurs, il est capable de surprendre son public lors des projections. Ainsi, en 1965, il détruit lui-même lors d’une soirée de “film-happening » son propre court-métrage “les taupes” (die Maulwürfe) après sa projection. Même si Kristl est primé régulièrement dans plusieurs festivals du film en Europe, ses films attirent un public limité.
“La manière de Kristl de réaliser des films n’est pas transférable. Il crée de façon tellement autonome et spontanée que son concept ne requiert d’aucun soutien officiel. Là où des peintres, poètes ou cinéastes avant-gardistes se mettent eux-mêmes des bâtons dans les roues en revendiquant le statut – déjà périmé – du révolutionnaire indispensable à secouer les masses, Kristl reste libre car il ne revendique justement aucune mission sociale. Par cette méthode lui reste au moins la possibilité d’éveiller ou d’amuser les esprits avec des scènes parfois humoristiques parfois satiriques et par conséquent, d’initier ainsi son public petit à petit à la désobéissance. Les films de Kristl ne s’adressent pas aux snobs mais aux employés de bureau proches du burn-out. Et c’est pourquoi ils devraient être projetés au cinéma au plus vite.” *
*Article de Helmut Färber, paru dans la revue mensuelle Filmkritik en juillet 1965
En prenant comme exemple le film “La lettre” (Der Brief), tourné en 1966, Helmut Färber résume la conception artistique qui se cache derrière la façon de faire de Kristl dans un article paru dans Filmkritik en avril 1967 :
“Vous ne pouvez pas réaliser un film juste avec une lettre ! Il faut une caméra, de la lumière et des acteurs. Autrement ce n’est pas possible !” Vlado Kristl l’essaye quand-même, histoire de voir s’il peut y arriver. Au final, il est obligé de tourner son “film sans caméra, ni lumière ni acteurs” avec une caméra, des lumières et des acteurs, mais en résumant son expérience avec le commentaire suivant : “C’est mieux que rien.” Maintenant, si j’écris, en tant que critique cinématographique, une analyse ou une explication de son film, j’ai peur que Vlado Kristl puisse le prendre comme si je voulais simplement le saboter. Et si jamais je serai assis à côté de lui dans une prochaine séance de cinéma, il ne me proposerait plus rien de son cornet de bonbons.”
Kristl, qui n’a pas la nationalité allemande mais yougoslave, est sous la menace d’être expulsé en Yougoslavie. Mais arrive au bon moment la proposition du président de l’Académie des Beaux-Arts de Hambourg d’y devenir professeur. Ainsi, Kristl s’installe à Hambourg et ces années sont imprégnées d’une grande créativité dans tous les domaines – à savoir la peinture, le dessin, la poésie et la réalisation de court-métrages, dont quelques-uns réels mais la plupart dessinés.
Après une pause dans le monde du cinéma, Kristl revient vers le festival de film de Berlin en 1984 en proposant son nouveau film le plus abstrait et le plus anarchiste qu’il ait jamais réalisé. Il s’agit du long-métrage “La mort du spectateur” (Tod dem Zuschauer) qui n’a ni de thème visible ni de narration reconnaissable. Il décrit son film de “non-film pour non-spectateurs qui dérange, j’espère, le business du film”. Les débuts à Hambourg se passent bien, il est très bien accueilli, mais ensuite commencent là aussi des tensions et mésententes.
Contexte:
“Ce qui compte pour Vlado Kristl, c’est toujours l’événement, c’est-à-dire ce qui se passe à l’instant présent. Donc une situation résultant d’une autre situation. (…) L’essentiel c’est l’action et non pas le discours. Ce processus provient du langage des arts visuels et non pas du film. C’était par conséquent inhabituel qu’un cinéaste se sert de ce moyen d’expression et aussi radicalement. Ainsi, Kristl a utilisé ce même positionnement, cette volonté d’expression et jusqu’au-boutisme dans toutes ses disciplines artistiques exercées, telles que sa peinture, ses sérigraphies et ses poèmes. Pour lui, tous les médias sont interchangeables, il ne les a pas séparés.”*
« Nous lui avions rendu visite dans son atelier à l’Académie des Beaux-Arts à Hambourg. On avait en tête cette fameuse histoire qui disait que c’est cette même Académie qui l’avait sauvé de l’expulsion vers la Yougoslavie, en lui proposant ce professorat. Il enseignait ainsi les arts visuels et habitait dans son atelier sur place, ce qui était normalement interdit. Ce lieu était rempli de tableaux – c’était impressionnant. (…) Et c’est dans cet atelier que je réalisais qu’il était un véritable artiste-peintre engagé autant dans ses créations que dans l’enseignement. Il peignait bel et bien des tableaux et il avait des étudiants. En parlant des étudiants, il expliquait avec une touche d’humour que leur intérêt pour ses « cours hors du commun » était faible dans le sens où ce n’était pas facile de l’avoir comme professeur, fallait s’adapter à sa façon d’enseigner. »**
Concernant les règles d’admission pour obtenir une place à l’Académie, Kristl disait : « Tout candidat est admissible. Pourquoi refuser à quelqu’un l’accès aux études à l’Académie, en disant qu’il ne sait soi-disant rien faire. Justement, le fait que cette personne ne rentre pas dans les cases d’admission officielle, montre que cette dernière est volontaire de créer, qu’elle est sur la bonne voie en tant qu’artiste. Une personne capable de se révolter contre le monde dans lequel elle est née et a grandi, et d’exprimer ainsi son refus de s’adapter ou de s’y soumettre, montre déjà sa capacité de créer des mondes nouveaux. »***
En 1984, Kristl réalise à Hambourg le film « A bas les spectacteurs ! » (Tod dem Zuschauer). « Puisque les traitres ont pris le cinéma en otage, on ne peut plus réaliser des films. Le cinéma est mort ! Il n’y a qu’une seule voie pour y échapper : On prend sa caméra ainsi que tout le matériel à disposition et on la laisse tourner. Juste comme ça, peu importe s’il se trouve quelqu’un devant ou derrière la caméra ou nullepart. Si on est capable de laisser libre cours à la caméra sans s’en mêler et sans y mettre le moindre geste, ni d’influencer ni de corriger quoi que ce soit, alors dans ce cas, on a réussi à créer un nouveau langage.****
* et **Provenant de l’ouvrage : C. Schulte, F. Bruckner, S. Schmitt, K. Wojotowicz (éditeur), Masken und Kothurn, Vlado Kristl, La Lune est Française, Vienne 2011, p.182, un extrait du texte de L. Andergassen / D. Kuhlbrodt : « Vlado Kristl – un bloc erratique, un cas unique dans l’histoire de l’art »
***Vlado Kristl « Le parti de l’intelligence », catalogue d’exposition de Saarbrücken en 1992, page 25.
**** »A bas les spectateurs! » de Vlado Kristl, communiqué de presse du bureau cinématographique à Hambourg en 1984.
De 1997 à 2002, Vlado Kristl s’installe dans le sud de la France, en Occitanie, dans la ville de Fanjeaux (département de l’Aude, 11). Il s’y intègre très vite et participe à des activités culturelles et expositions locales, mais se sent tout-de-même isolé. Suite à des problèmes de santé, il revient à partir de 2002 à Munich où il passe les 2 dernières années de sa vie. Marqué par un fort désir de retour au pays de ses origines, il commença à planifier un déménagement définitif en Croatie et fut en pourparlers avec le ministère de la Culture croate pour une donation de ses tableaux à l’Etat croate contre la mise à disposition d’un logement et un atelier jusqu’à la fin de sa vie dans la région d’Istrie. Ce projet ne voyait pas le jour car Kristl décéda avant la réalisation de ce retour, le 07 juillet 2004 précisément. Son œuvre tardive s’exprime via la peinture, l’écriture et la réalisation de quelques court-métrages expérimentaux. Il se penche sur ses propres créations artistiques en déconstruisant ou déformant ses œuvres. En 2004, peu avant sa mort, il réalise encore un dernier court-métrage intitulé « Le congrès international des sans-abris », qu’il qualifie lui-même de « film dans lequel il n’y a rien à voir. »*Après sa disparition, il est enterré dans le caveau familial à Zagreb où une plaque commémorative le distingue en tant qu’artiste.
Contexte :
En 2002, il dit dans un entretien avec Marina Viculin (commissaire d’exposition et directrice du musée Klovicevi Dvori à Zagreb) : « Je n’appartiens ni à l’art abstrait, ni au style figuratif. Je suis contre la mise en système. » Marina Viculin : Le fait qu’un des maîtres croates de l’art abstrait, reconnu pour son esprit particulièrement libre et son intelligence fine, peint aujourd’hui des tableaux avec des motifs variés, reconnaissables mais sans fil conducteur, provoque chez les critiques bien structurés des doutes sur ce changement de style. Aurait-il abandonné ? (…) Non, certainement pas. Je pense que son évolution est très personnelle, donc très singulière mais toutefois compréhensible. Regardez encore une fois les tableaux de sa période abstraite et vous allez vous apercevoir, même si c’est toujours peint d’une façon sensible et chaleureuse chez Kristl, que tous ces carreaux composés forment le grillage d’une cage, cage derrière se cache en vérité « notre monde personnel ». Kristl : « Nous sommes nous-mêmes un système, mais l’être humain essaye toujours de rester en mouvement, car le but est de traverser ce système. Si tu ne bouges pas, tu restes dedans, comme un animal. » Marina Viculin : Lors de nos nombreux échanges, il me précisait bien qu’il parlait là toujours du domaine de la peinture. Mais selon Vlado, « personne ne pouvait dire de quoi il s’agissait et pourquoi il fallait le faire… »**
Dieter Raifarth : Quand Vlado était mort, j’hésitais à répondre au téléphone, car je savais que ce n’était plus lui qui appelait. Je croyais avoir accepté le fait que la personne n’appelle plus une fois disparue. Enfin, je croyais. Depuis, tous ces échanges avec lui me manquent, quand par exemple il démarra une conversation comme ça : « Cette nuit, j’ai réussi par erreur à écrire le plus beau poème, une oeuvre magistrale ! » Ou alors: « Mon poème d’avant-hier, j’ai dû le détruire. Celui qui garde ça appartient aux ennemis de l’humanité ! »
Je n’ai jamais rencontré un peintre qui a tant aimé ses tableaux tout en étant en désaccord total avec ces derniers. Il y en a qu’il a repeint jusqu’à 15 fois. On retrouve de nombreux titres et légendes sur le derrière du tableau qui s’ajoutent les unes après les autres et peuvent s’étaler sur des années. Tous les tableaux vivaient en harmonie ensemble dans le présent esthétique de Vlado, il les avait tous en tête, autant les visibles que les invisibles. Et aucun tableau était en sécurité devant lui. Des réalisateurs comme lui me manquent quand il démarrait par ex. son film avec le leitmotiv suivant : « Personne ne sait qui donne les ordres mais tout le monde obéit ! » Ou par ex. ce titre de film : « Echangeons la moitié de notre richesse contre la même moitié en beauté » (Die Hälfte des Reichtums für die Hälfte der Schönheit) ou alors : « Quand on vivait encore pour des raisons personnelles » (Als man noch aus persönlichen Gründen gelebt hat).***
*Ana Marija Habjan : Umjetnik otpora – L’artiste de la résistance, Zagreb, édition Petikat, 2007, page 108
**Marina Viculin : « La façon de peindre très personnelle de Vlado Kristl », catalogue d’exposition « Vlado Kristl », Rijeka, 2010, page 33, 36.
***Dieter Raifarth: « Souvenirs » dans C. Schulte, F. Bruckner, S. Schmitt, K. Wojotowicz (« d.) : « Maske et Kothurn, Vlado Kristl, la Lune est Française », Vienne, 2011, page 182
Lebenslauf in Kurzdaten*
1923
1931 – 1933
1938 / 1939 / 1940
1941 – 1942
1942 / 1943 / 1944
1945
1949
1950
1951
1952
1953
1954
1958
1959
1960
1961
1962
1963
1964
1965
1966
1967
1968
1969
1970
1971
1973
1974
1975
1976
1977
1978
1979
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2014
2015
2016
2018
2019
*Übernommen aus: Jerica Ziherl, Đanino Božić, Jelena Kristl, Andy Jelčić: « Eckdaten im Leben und Werk Vlado Kristl » aus dem Katalog zur Ausstellung « Vlado Kristl », Rijeka 2010., S. 146 – 177 und aktualisiert von Johanna P. Maier und Madeleine Kristl
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